LES SIPHONAPTERES

Dans un vieux ministère, une puce sauteuse

S'enhardit, un matin, sur un sein généreux.

Anecdote douteuse.

La victime, en colère, s'en alla illico

Narrer au directeur les méfaits de l'insecte.

Le dirlo tout sourire, lui tapotant le dos,

Estima que la bête appréciait les fruits mûrs,

Le soleil du matin, les belles créatures.

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Un agent de service, dans un local d'archives,

Ne cessait de gratter le fond de son calcif.

Endroit peu poétique.

Il se fit sermonner par sa chef hiérarchique.

Il eut beau expliquer le pourquoi de son geste,

Qu'il n'était pas facile de demeurer correct

Quand des hôtes infects, se montrant trop gloutons,

Se goinfrent sans façon au fond d'un pantalon.

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Parfum de citronnelle, remontée de bretelles

Mirent la puce à l'oreille de tous les subalternes.

Et le moral en berne.

C'est alors qu'une puce s'en prit aux doigts de pieds

D'un chef de cabinet récemment affecté.

Puisque les parasites délaissaient la valetaille,

Le jeune loup rédigea, peaufinant les détails,

Rapport circonstancié concernant ses doigts de pieds.

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Trouvant inadmissible qu'énarque fût piqué,

Les effets, en haut lieu, ne se firent guère attendre.

Mort aux siphonaptères !

Des guerriers arrivèrent munis de gants, de masques,

De glaçons pour le sein, de brins de lavandins,

De grands flacons de poudre de perlimpinpin,

De fleurs d'eucalyptus, d'onguents pour les orteils,

Pour les démangeaisons, des huiles essentielles.

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Mais depuis ce temps-là, dans le vieux ministère,

Les sous-fifres amers colportent, avec raison,

Que les puces indiffèrent !

Lorsqu'elles sucent le sang des pauvres subalternes,

On parle de fruits mûrs, de belles créatures,

On raille les sévices au fin fond d'un calcif.

Pourtant, dès qu'il s'agit de ceux qui nous gouvernent

D'emblée, on vitupère : Mort aux siphonaptères !

Automnale

 COMPOSITION MUSICALE ET INTERPRETATION :

JEAN-MARIE DJIBEDJIAN