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FRIDA KAHLO - CORRESPONDANCES

Publié le 21/03/2014 à 11:12 par escapadeautomnale
FRIDA KAHLO - CORRESPONDANCES

 

 

UNE DES LETTRES QUE FRIDA KAHLO, ARTISTE-PEINTRE MEXICAINE, ENVOYA, ALORS QU'ELLE SEJOURNAIT A PARIS, A UN DE SES AMIS

 

 

LETTRE A NICKOLAS MURAY

 

Paris, 16 février 1939

Mon adorable Nick, mon enfant,

 

Je t’écris depuis mon lit de l’Hôpital américain. Hier pour la première fois je n’ai pas eu de fièvre et on m’a autorisée à manger un tout petit peu, du coup je me sens mieux. Il y a deux semaines, j’ai été tellement malade qu’on m’a amenée ici en ambulance, car je ne pouvais même pas marcher. J’ignore, vois-tu, où et comment j’ai bien pu attraper ce colibacille dans les reins via les intestins ? L’inflammation et les douleurs étaient telles que j’ai bien cru mourir. On m’a fait un tas de radios des reins et on dirait qu’ils sont infectés par ce fichu colibacille. Maintenant, je vais mieux et lundi prochain je serai sortie de cet hôpital pourri. Je ne peux pas rentrer à l’hôtel car j’y serais toute seule, alors la femme de Marcel Duchamp m’a invitée à rester une semaine chez elle, jusqu’à ce que je récupère un peu.

 

Ton télégramme est arrivé ce matin, j’en ai pleuré de joie, et aussi parce que tu me manques, dans mon cœur et dans mon sang. J’ai reçu ta lettre hier, mon chéri, elle est si belle, si tendre que je n’ai pas de mots pour exprimer la joie que j’ai ressentie. Je t’adore, mon amour, crois-moi : jamais, au grand jamais, je n’ai aimé quelqu’un comme toi – seul Diego demeurera aussi profondément dans mon cœur. Je n’ai pas touché un mot à Diego de mes problèmes de santé parce qu’il s’inquiéterait bien trop, et puis, à mon avis, dans quelques jours je serai sur pied, donc pas la peine de l’inquiéter. Tu ne crois pas ?

 

En plus de cette maudite maladie, je n’ai vraiment pas eu de chance depuis que je suis ici. D’abord, l’exposition est un sacré bazar. Quand je suis arrivée, les tableaux étaient encore à la douane, parce que ce f. de p. de Breton n’avait pas pris la peine de les en sortir. Il n’a jamais reçu les photos que tu lui as envoyées il y a des lustres, ou du moins c’est ce qu’il prétend : la galerie n’était pas du tout prête pour l’exposition, d’ailleurs ça fait belle lurette que Breton n’a plus de galerie à lui. Bref, j’ai dû attendre des jours et des jours comme une idiote, jusqu’à ce que je fasse la connaissance de Marcel Duchamp (un peintre merveilleux), le seul qui ait les pieds sur terre parmi ce tas de fils de pute lunatiques et tarés que sont les surréalistes. Lui, il a tout de suite récupéré mes tableaux et essayé de trouver une galerie. Finalement, une galerie qui s’appelle «Pierre Colle » a accepté cette maudite exposition. Et voilà que maintenant Breton veut exposer, à côté de mes tableaux, quatorze portraits du XIXème siècle (mexicains), ainsi que trente-deux photos d’Alvarez Bravo et plein d’objets populaires qu’il a achetés sur les marchés du Mexique, un bric-à-brac de vieilleries, qu’est-ce que tu dis de ça ? La galerie est censée être prête pour le 15 mars. Sauf qu’il faut restaurer les quatorze huiles du XIXème et cette maudite restauration va prendre tout un mois. J’ai dû prêter à Breton 200 biffetons (dollars) pour la restauration, parce qu’il n’a pas un sou. (J’ai envoyé un télégramme à Diego pour lui décrire la situation et je lui ai annoncé que j’avais prêté cette somme à Breton. Ca l’a mis en rage, mais ce qui est fait est fait et je ne peux pas revenir en arrière.) J’ai encore de quoi rester ici jusqu’à début mars, donc je ne m’inquiète pas trop.

 

Bon, il y a quelques jours, une fois que tout était plus ou moins réglé, comme je te l’ai expliqué, j’ai appris par Breton que l’associé de Pierre Colle, un vieux bâtard et fils de pute, avait vu mes tableaux et considéré qu’il ne pourrait en exposer que deux, parce que les autres sont trop « choquants » pour le public !! J’aurais voulu tuer ce gars et le bouffer ensuite, mais je suis tellement malade et fatiguée de toute cette affaire que j’ai décidé de tout envoyer au diable et de me tirer de ce foutu Paris avant de perdre la boule. Tu n’as pas idée du genre de salauds que sont ces gens. Ils me donnent envie de vomir. Je ne peux plus supporter ces maudits « intellectuels » de mes deux. C’est vraiment au-dessus de mes forces. Je préfèrerais m’asseoir par terre pour vendre des tortillas au marché de Tohuca plutôt que de devoir m’associer à ces putains d’ «artistes » parisiens. Ils passent des heures à réchauffer leurs précieuses fesses aux tables des « cafés », parlent sans discontinuer de la « culture », de « l’art », de la « révolution » et ainsi de suite, en se prenant pour les dieux du monde, en rêvant de choses plus absurdes les unes que les autres et en infectant l’atmosphère avec des théories et encore des théories qui ne deviennent jamais réalité.

 

Le lendemain matin, ils n’ont rien à manger à la maison vu que pas un seul d’entre eux ne travaille. Ils vivent comme des parasites, aux crochets d’un tas de vieilles peaux pleines aux as qui admirent le « génie » de ces « artistes ». De la merde, rien que de la merde, voilà ce qu’ils sont. Je ne vous ai jamais vus, ni Diego ni toi, gaspiller votre temps en commérages idiots et en discussions « intellectuelles » ; voilà pourquoi vous êtes des hommes, des vrais, et pas des « artistes » à la noix. Bordel ! Ca valait le coup de venir, rien que pour voir pourquoi l’Europe est en train de pourrir sur pied et pourquoi ces gens - ces bons à riens – sont la cause de tous les Hitler et Mussolini. Je te parie que je vais haïr cet endroit et ses habitants pendant le restant de mes jours. Il y a quelque chose de tellement faux et irréel chez eux que ça me rend dingue.

 

Tout ce que j’espère, c’est guérir au plus vite et ficher le camp.

 

Mon billet est encore valable longtemps, mais j’ai quand même réservé une place sur l’Isle-de-France pour le 8 mars. J’espère pouvoir embarquer sur ce bateau. Quoi qu’il arrive, je ne resterai pas au-delà du 15 mars. Au diable l’exposition à Londres. Au diable tout ce qui concerne Breton et ce pays à la noix. Je veux être avec toi. Tout me manque, chacun des mouvements de ton être, ta voix, tes yeux, ta jolie bouche, ton rire si clair et sincère, TOI. Je t’aime, mon Nick. Je suis si heureuse de penser que je t’aime – de penser que tu m’attends – et que tu m’aimes.

 

Mon chéri, embrasse Mam de ma part. Je ne l’oublie surtout pas. Embrasse aussi Aria et Lea**. Et pour toi, mon cœur plein de tendresse et de caresses, un baiser tout spécialement dans ton cou, ta

 

Xochitl

 

** Les filles de Nickolas Muray

 

FRIDA KAHLO PAR FRIDA KAHLO

 

CHRISTIAN BOURGOIS EDITEUR

 

Commentaires (6)

Anonyme le 21/03/2014
Breton était bien trop imbu de sa personne pour apprécier les oeuvres furent-elles choquantes de Frida Khalo.d'ailleurs n'a-t-il pas désavoué Savador Dali?


lucasjl le 23/03/2014
Ah ces artistes et leur ego démesuré !
http://youtube+lucasjl.centerblog.net


peinturamat le 23/03/2014
Frida, grande artiste et pauvre femme handicapée très jeune, complètement cassée comme le montrent quelques uns de ses nombreux autoportraits.
J'ai vu l'exposition que lui consacrait, ainsi qu'à Diego Rivera, le musée de l'orangerie; parfois déroutant mais très fort dans l'ensemble.

Amical bizou pour te souhaiter une bonne semaine.

André
http://peinturamat.centerblog.net


Automnale le 24/03/2014
J'ai trouvé intéressante, mes amis, cette lettre de Frida Kahlo évoquant les artistes-peintres Français ! D'ailleurs, je vous recommande le recueil des textes, dont elle est l'auteur (eure), que je suis en train de lire... Dès lors que je n'ai pas terminé le livre, j'ignore à l'heure actuelle si, après 1939, ses relations avec Breton se sont améliorées, si elle est revenue en France et si elle a eu une meilleure idée de nous... Pas forcément !

Automnale
http://escapadeautomnale.centerblog.net


lescouleursdemyriam le 25/03/2014
La bande des surréalistes vue par Frida, ça vaut le coup ! Il y avait certainement beaucoup de vrai dans ces propos mais son aigreur naturelle (la douleur n'adoucit pas les caractères) est éloquente ! Beaucoup trop d'insultes pas même de remerciements pour Marcel Duchamp (à part qu'il a les pieds sur terre) ;.)
http://lescouleursdemyriam.centerblog.net


Automnale le 26/03/2014
Je n'ai pas du tout avancé dans ma lecture des lettres de Frida Kahlo mais je t'assure, Myriam, que, jusqu'ici, je n'ai pas noté d'aigreur dans ses propos... Ce point de vue demande toutefois à être confirmé... Jusqu'à la la page 235 (sur 450 !)je trouve Frida très spontanée, drôle et sympa...

Automnale
http://escapadeautomnale.centerblog.net


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